
David Nivard d'Olympe café, fondateur et torréfacteur.
Partie 1
David Navid, l’un des fondateurs et le torréfacteur d’Olympe café et l’un de nos torréfacteurs partenaires de Bordeaux de la première heure, a eu la gentillesse de nous faire visiter l’atelier de torréfaction où officie toute l’équipe d’Olympe et de nous accorder une interview pour que nous puissions vous présenter leur travail et la vision du café qui les guide et anime chaque jour.
Nous avions gardé au chaud notre entretien instructif et enthousiasmant réalisé l’année dernière, en août 2022.
Nous vous invitions à découvrir la première partie.
Bonne lecture !
Depuis combien de temps es-tu torréfacteur ?
Cela fait plus de 10 ans que je suis dans l’univers du café. J’étais barista, puis je me suis dirigé vers la torréfaction. C’est assez complémentaire. C’est toujours important et intéressant de maîtriser le produit plus largement.
Qu’est-ce qui a déclenché chez toi l’envie d’être torréfacteur ?
J’aime le goût du café. Il y a toute la filière: les personnes qui sont à l’origine, les producteurs, les collègues, les baristas. Il y a des gens extraordinaires sachant qu’ils ont tous un background différent. Ce n’est pas une filière où on rentre par une porte. Il y a beaucoup d’expériences où l’on rencontre des gens très intéressants.

Et il y a maintenant quelques formations de torréfaction, mais peu, non ?
Oui. Il y a surtout des autoditactes, des agronomes, des mathématiciens. On rencontre beaucoup de personnes avec des parcours divers. C’est ce qui est intéressant.
Cuire le grain plutôt que préparer le café, c’est ce qui te plaisait le plus ?
Moi, j’aime tout. J’ai fait 7 ans de barista donc j’avais un peu fait le tour. J’avais besoin d’aller un peu plus loin. C’est pour cela que je me suis tourné vers la torréfaction.
As-tu appris la torréfaction en France ou à l’étranger ?
En France, et après à l’étranger: en Australie.
Quelles sont les qualités requises pour exercer ton métier ? Si une personne souhaite devenir torréfacteur comment lui décrirais-tu le métier ? Quelles aptitudes doit-il acquérir et développer le plus ?
Il faut être très organisé. On passe de très nombreuses heures derrière la machine. Le plus dur est d’être constant sur les productions, et psychologiquement pouvoir passer des heures derrière la machine à faire la même chose. C’est très répétitif comme travail. Et aussi cupper, déguster tout ce qu’on fait, tout ce qui sort de la machine, tout le temps.
Le cupping, qu’est-ce que c’est ?
C’est la dégustation internationale, à la brésilienne. C’est un protocole très normé. Qu’on soit un caféiculteur au Brésil, un torréfacteur en Norvège ou un barista au Japon, on va parler le même langage. C’est la base du vocabulaire. On note le café au niveau des arômes, des saveurs, du corps, de l’acidité. C’est un protocole assez lourd mais qui permet d’échanger et d’avoir une base de travail solide pour la planète café.

Quelle est ta vision de la torréfaction ? On parle de torréfaction plus scandinave dans le sens plus light, ou plus poussée comme en France. Qu'en penses-tu ?
Il faut d’abord écouter ses clients. Il faut aussi proposer un style qui soit propre. S’ils veulent une torréfaction très dark, il faut également être en mesure de leur proposer quelque chose de plus light. Nous, on se considère comme des personnes qui vont révéler les grains mais il faut que cela plaise également, et que ce soit commercialisable. Acheter de bons grains verts, bien les torréfier et que cela plaise aux clients. C’est toujours des petits compromis dans tous les sens du terme. Trouver le spot pour que, nous, nous soyons contents de notre travail et que le client soit content de découvrir quelque chose et que cela lui plaise. Cela va être la grosse partie de notre travail.
Par rapport à vos différentes marques (en épicerie, au supermarché, etc.), changes-tu ton style de torréfaction ?
On va plus loin que ça. On n’a pas les mêmes cafés. On a vraiment des cafés dédiés à l’épicerie fine. On peut faire évoluer le style de torréfaction également. Elle va être un peu plus light en épicerie fine pour un public un peu plus éduqué, plus sensible aux cafés.

Pourquoi torréfier du café de spécialité plutôt que du café de commodité ? Pourquoi avoir fait ce choix très engagé ?
Dans mon parcours café, j’ai toujours fait du café de spécialité. La question ne s’est même pas posée. J’ai toujours fait ça, donc cela m’a paru être une évidence. Quand on voit le marché, le besoin de plus de traçabilité, d’avoir un goût meilleur, d’avoir plus d’informations sur les process et les variétés. C’est quelque chose qui est totalement naturel pour moi. Le marché va là-dessus donc on continue. On va dans le sens du marché.
C’est quelque chose d’important pour toi ?
S’il n’y avait pas la qualité, mon métier n’aurait pas de sens. C’est ce qui m’amine.
Comment sélectionnes-tu tes cafés ? Pars-tu d’une rencontre avec un producteur, d’un importateur, d’un profil en tasse, d’une origine ? Comment détermines-tu ta gamme de cafés ?
On a un protocole de sélection. Quand on veut changer une origine par exemple, on va faire appel à des importateurs qui vont nous envoyer des échantillons et on va faire une batterie de tests. On a un Sinar [un appareil] pour mesurer la densité et l’humidité des grains de café vert, un sample roaster* pour faire les échantillons, une table de crible également pour voir la taille des grains. Il faut que cela corresponde à nos goûts, et à ce que nos clients en général nous ont fait comme retours. Cela va être les grands paramètres. On ne va pas avoir beaucoup d’origines, pas 25 origines différentes, mais on va essayer d’avoir une plus petite sélection avec toujours une base solide et après on va faire tourner selon les arrivages.
*sample roaster : c’est une machine qui permet de torréfier une petite quatité de cafés verts. Généralement utilisé pour réaliser des échantillons. Le mot roaster étant le mot anglais pour désigner le torréfacteur dans son sens d’appareil servant à la torréfaction.

Comment choisis-tu tes importateurs ? Quelles sont vos exigences ? Avez-vous un cahier des charges ?
Si on peut avoir une traçabilité jusqu’à la ferme, c’est mieux. Ensuite, cela va être d’avoir toutes les infos sur le process, la variété, la grandeur de la ferme. Il faut que cela mieux payé. On a une sélection d’importateurs qui sont connus pour ça, qui font du très bon boulot. Il y a également un gros aspect de confiance. On a accès à leurs rapports. Ou quand on les suit sur les réseaux sociaux, on voit leurs actions, ce qu’ils font à l’origine. On n’a aucun doute qu’ils travaillent de manière éthique. C’est pour ça qu’on travaille avec eux et pas avec des traders ou brokers en café où, là, la traçabilité est assez opaque.
Qu’est-ce qui ferait que tu ne travaillerais pas avec un producteur ? Qu’est-ce-qui serait rédhibitoire ? C'est important pour vous l'agriculture biologique ou l'agriculture raisonnée ?
Le côté raisonné : oui mais c’est compliqué. On a à peu près 80 pays qui travaillent le café. Les aspects sociaux ou sociétaux y sont très différents. En Ethiopie, tu as le petit producteur avec ses caféiers qui poussent dans son jardin et qui apporte le café à la coopérative. Tu vas en Colombie, c’est assez riche, donc ils ont des labos comme au Salvador. Il y en a qui ont besoin de volume, donc ils mettent des intrants. On sait que cela n’est pas quand même dingue. On va essayer de ne pas trop aller là-dessus. Mais en même temps a-t-on les infos ? Pas forcément. En tout cas ce qu’on va essayer de faire, c’est de travailler en direct. On avait fait un sourcing trip (un voyage pour aller directement à la source des zones caféières productrices) avec mon associé. On est allés directement en Amérique latine rencontrer les producteurs. Le but : faire des achats auprès des personnes qu’on a sélectionnées. On ne va pas faire tous nos imports avec ces personnes, on passera toujours auprès des importateurs vu les volumes qu’on a, mais on essayera sur certains lots de travailler avec ces personnes.
C’est facile de travailler en direct ?
Non (rires). Il faut aimer faire les papiers.
Et puis certains veulent que tu leur achètes des volumes ou être certains qu’ils vont travailler avec toi sur la durée, non ?
Oui exactement. C’est créer une relation à long terme avec eux. Il faut bien acheter avec eux, au début, un sac ou deux*.
On ne fait que de l’Arabica et [noté par des experts agréés ] 80/100 minimum*.
*Pour information : un sac de café vert représente 60kg de café vert. C’est la norme.
*La note de 80/100 minimum fait entrer les cafés dans la catégorie des cafés dits de spécialité (specialty coffee en anglais).